Nous portons tous en nous, plus ou moins prononcé, cet appel, ce mouvement de l'ermite qui se manifeste par un besoin régulier de nous retirer de l'agitation. La question est juste de savoir si nous écoutons l'appel ou si nous l'étouffons. Il nous semble parfois que l'ermite en tant que tel est un être qui vit comme séparé de tous. Or, paradoxalement, il est uni à tous. Il explore ce continent en nous qui est souvent en friche, celui de l'intériorité.
Quand nous pensons aux moines et aux ermites, nous pouvons imaginer que ces êtres ont choisi de fuir et de se couper de la réalité du monde. Il n'en est rien. En fait, ils ne fuient pas, leur solitude leur permet d'aller au devant des grandes questions de l'existence. Ce sont des pionniers, des aventuriers qui vont explorer le fin fond de l'être humain. Et dans l'ascèse et la solitude, ils découvrent les profondeurs les plus secrètes du coeur de l'être et de leur propre coeur. C'est ainsi que nous pouvons nous sentir touché, rejoint voir démasqué lorsque nous lisons des ouvrages d'ermites, car ils ont fait le tour de ce qui grouille dans notre intériorité.
Il n'est pas nécessaire de devenir ermite en tant que tel, toutefois écouter cette partie là de nous, qui appelle à se retirer régulièrement tel que nous l'enseigne la nature, les cycles du soleil et de la lune, les marées et la respiration est quelque part vital. Certes, la solitude émonde aussi, elle dépouille parfois et redonne le sens des proportions qui permet de rendre grâce de tout ce que l'on a.
Cultiver ce retirement régulier représente une bouffée d'oxygène, sachant que la solitude est le lieu des noces et de l'intimité. Dès lors, si nous suivons les rythmes de la nature, si nous nous pénétrons de son tempérament, nous entrons de façon fluide dans une écologie de notre vie intérieure.
Je suis l'universel, étant le solitaire.
Victor Hugo